C'était le moment de chercher cette guérison et cette paix que seule la solitude peut apporter.
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Avoir un bébé, c'est comme se faire tatouer le visage. Tu as intérêt à être certaine que tu le veux vraiment avant de te lancer.
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Le fait est que j'étais devenue accro à David (pour ma défense, il avait encouragé cette addiction par son petit côté "homme fatal") et que, maintenant que son attention se détournait, je souffrais de conséquences aisément prévisibles. L'addiction est la marque de fabrique de toute histoire sentimentale fondée sur un amour obsessionnel. Tout commence quand l'objet de votre adoration vous fait don d'une dose enivrante et hallucinogène de quelque chose que vous n'aviez jamais admettre désirer - un speedball * émotionnel, peut être, d'amour tempétueux et d'excitation perturbatrice. Très vite, on commence à vouloir toujours plus de cette attention soutenue, avec une voracité monomaniaque de junkie. Et quand on nous refuse la drogue, on tombe aussitôt malade, on cède à la folie, on se sent diminué. Pour ne rien dire du ressentiment qu'on nourrit à l'égard du dealer qui a encouragé cette addiction en premier lieu et qui se refuse désormais à vous approvisionner en bonne came - alors que vous savez qu'il la garde planquée quelque part, nom d'un chien, parce que autrefois, il vous la donnait gratuitement. L'étape suivante vous trouve amaigrie, grelottante, pelotonnée dans un coin, riche d'une seule certitude : vous seriez capable de vendre votre âme ou de voler vos voisins, juste pour goûter à cette chose ne serait-ce qu'une seule fois de plus. Pendant ce temps, vous n'inspirez plus que répulsion à l'objet de votre adoration. Il vous regarde telle une parfaite inconnue, quelqu'un qu'il ne connaîtrait ni d'Ève ni d'Adam, et plus du tout comme la personne qu'il a autrefois passionnément aimée. L'ironie, c'est que vous ne pouvez pas vraiment l'en blâmer. Je veux dire, regardez-vous : vous êtes une loque pathétique, méconnaissable même à vos propres yeux.
Donc voilà. Votre amour obsessionnel a atteint sa destination finale - la dévaluation totale et impitoyable de soi.
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Je m'allongeais aux côtés du magnifique corps endormi et inaccessible de David, et j'étais happée dans un mælström de solitude et de pensées suicidaires méticuleusement détaillées.
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David et moi avons rompu une fois de plus. Pour de bon, cette fois, semblait-il. Encore que... nous n'arrivions pas à tourner entièrement la page. Souvent, j'étais submergée par le désir de tout sacrifier à mon amour pour lui. D'autres fois, mon instinct me dictait une réaction presque opposée - mettre le plus de continents et d'océans possible entre ce type et moi, dans l'espoir de trouver la paix et le bonheur.
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Le voyage reste la grande passion se ma vie. J'ai toujours eu le sentiment qu'il vaut tous les sacrifices et l'argent qu'on y consacre. Je fais preuve, dans mon amour du voyage, d'une loyauté et d'une constance qui n'ont pas toujours été au rendez-vous avec mes autres amours. Je nourris, a son égard , les mêmes sentiments qu'une mère pour son nourrisson insupportable, agité t pris de colique - peu m'importe ce qu'il m'inflige. Parce que je l'adore. Parce que c'est le mien. Parce qu'il me ressemble en tous points.
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Pourquoi suis-je seule ce soir, une fois de plus ? Pourquoi me demande-t-il, suis-je incapable d'une relation durable ? Pourquoi ai-je tout gâché avec David ? Et avec tous les hommes avec lesquels j'ai été ?
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Les Italiens jugent parfaitement raisonnable de manger une glace à 9 heures et demie du matin, et franchement, je ne pourrais pas être plus d'accord avec eux.
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Si je suis amoureuse de vous, vous pouvez tout avoir. Vous pouvez avoir mon temps, mon dévouement, mon cul, mon argent, mes parents, mon chien.
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Je suis épuisée par l'accumulation des conséquences de mes choix précipités et de mes passions chaotiques.
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La confiance en soi toute régalienne qu'affiche cette ville si solidement ancrée dans son passé, si équilibrée, si affairée et si monumentale, cette ville qui sait qu'elle repose au creux de la paume de l'histoire et qu'elle y est en sécurité est pour moi une source d'inspiration. Quand je serai une vieille dame, je voudrais bien ressembler à Rome.
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En contemplant le mausolée d'Auguste, je me dis que ma vie n'a peut-être pas été si chaotique, après tout. C'est plutôt ce monde qui l'est, qui nous inflige à tous et à toutes des changements que personne n'aurait pu prévoir. [...] Même dans la Ville éternelle, nous enseigne le silencieux mausolée, chacun doit toujours être prêt à affronter des vagues de transformation houleuses et sans fin.
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Il est peut être temps pour nous de mettre un point final à notre histoire. Nous étions déjà séparés mais une fenêtre d'espoir était restée ouverte.
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Cette joie éprouvée à Naples m'a donné la certitude que non seulement je peux trouver le bonheur sans David, mais que je le dois. Aussi immense que soit mon amour pour lui ( et il est d'une immensité bêtement excessive ), il est temps pour moi de dire adieu à cette personne. Et de me tenir à cette décision.
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J'espère qu'il va bien, lui écris-je, et je l'informe que je vais bien. [...] Ensuite, je lui explique que nous avons besoin de mettre un point final et définitif à notre histoire. Qu'il est temps d'admettre qu'il ne se passera jamais rien, qu'il n'aurait jamais rien dû se passer. [...] En retenant ma respiration, je tape : " Si tu veux chercher une autre partenaire, naturellement, tu as mon entière bénédiction."
[...]
J'essaie d'ignorer cette part de moi qui meurt d'envie de lire : "REVIENS ! NE T'EN VA PAS ! JE VAIS CHANGER ! " J'essaie de ne pas faire cas de cette fille, en moi, qui laisserait avec joie tomber tous ses grandioses projets de voyage autour du monde en échange des clés de l'appartement de David.
[...]
A 10 heures ce soir-là, j'ai enfin ma réponse. Rédigée dans un style superbe, évidemment. Davis a toujours écrit superbement. Il dit que oui, il est temps de nous dire définitivement au revoir. Il a réfléchi et il est lui aussi parvenu à cette conclusion.
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Selon moi, les gens font des enfants pour toutes sortes de raisons - certains ont un authentique désir se les voir venir au monde et de les élever ; d'autres en font par absence de choix, ou parce qu'ils veulent retenir un partenaire, ou donner naissance à un héritier, ou encore par défaut de réflexion préalable. Les raisons qui incitent à faire des enfants ne sont pas toutes du même ordre, et toutes ne sont pas forcément exemptes d'égoïsme. Les raisons de ne pas avoir d'enfant ne sont pas toutes du même ordre non plus cela dit. Et toutes ne sont pas forcément égoïstes.
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Finalement, je suis consciente qu'il se pourrait que je doive rentrer un peu dans le rang.
Mais pas tout de suite... S'il vous plaît. Pas tout de suite.
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De plus, je ne peux chasser de mon esprit tous ces épisodes de bonheur que nous avons connus ensemble, toute la folle excitation qui accompagnait les bons moments. J'ai un mal fou à me retenir de sauter du lit pour aller l'appeler d'Inde au milieu de la nuit et ... lui raccrocher au nez, probablement. Oui le supplier de recommencer à m'aimer. Oui lui énumérer, dans un acte d'accusation d'une impitoyable férocité, tous ses défauts de caractère.
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-Je croyais sérieusement que David était mon âme soeur.
-Il l'était, probablement. Ton problème, c'est que tu ne comprends pas la signification de ces mots là. Les gens pensent qu'une âme soeur est leur association parfaite, et tout le monde lui court après. En fait, l'âme soeur, la vraie, est un miroir, c'est la personne qui te montre tout ce qui t'entrave, qui t'amene à contempler toi-même afin que tu puisse changer des choses dans ta vie. Une vraie âme soeur est probablement la persobne la plus importante que tu ne rencontreras jamais, parce qu'elle abat tes murs et te réveille d'une claque. Mais passer sa vie avec une âme soeur ? Quelle idée ! Trop douloureux. L'âme soeur, elle ne débarque dans ta vie que pour te révéler une autre strate de toi même, et ensuite, elle se casse. Dieu merci. Ton problème, c'est que tubn'arroves pas à laisser celle-là s'en aller. C'est fini, Supérette. La raison d'être de ta rencontre avec David, c'était de te secouer, de te faire quitter ce qu'il fallait quitter, de t'écorcher un peu l'ego, de te montrer ce sur quoi tu buttes et ce dont tu es dépendante, de te briser grand le coeur afin qu'une nouvelle lumière puisse y pénétrer, de t'acculer à un désespoir et une perte de contrôle tels que tu es obligée de transformer ta vie, puis de s'introduire auprès de ton maître spirituel et de mettre les voiles.[...]
-Mais je l'aime.
-Eh bien, aime-le.
-Mais il me manque.
-Eh bien qu'il te manque ! Envoie-lui de l'amour et de la lumière chaque fois que tu penses à lui, et ensuite passe à autre chose.
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Chaque fois qu'il me croise dans l'ashram et devine, à mon air distrait, que mes pensées sont à des milliers de kilomètres de là, il s'enquiert : " Comment va David ? "
A quoi je réponds toujours : "Mêle-toi de tes oignons. Tu ignores ce à quoi je pense, mon petit monsieur."
Mais bien entendu, il met dans le mille à chaque fois.
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La destinée, je le sens, est également une relation - qui se joue entre la grâce divine et l'effort que nous consentons par volonté. Cette relation échappe pour moitié à notre contrôle ; l'autre moitié est entièrement entre nos mains, et nos actions montreront une conséquence mesurable. L'homme n'est jamais tout à fait le capitaine de sa propre destinée ; il est un peu des deux.
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Donc j'ai commencé à me montrer vigilante, je surveille mes pensées toute la journée, je les contrôle. Je répète ce voeu quelque sept cents fois par jour : "Les pensées malsaines ne feront plus escale dans mon esprit." Sitôt qu'une pensée déprimante se forme, je répète le voeu. Les pensées malsaines ne feront plus escale dans mon esprit. La première fois que je me suis entendue dire çà, mon oreille interne a tique. Le mot "escale" m'evoquait un port, un lieu de débarquement, un asile. Je me suis représenté le port de mon esprit - un peu défraîchi, peut être, un peu fatigué par les tempêtes, mais jouissant d'une belle situation, et d'une belle profondeur. Le piry de mon esprit est une baie, le seul accès à l'ile du Moi ( une île jeune, volcanique, certes, mais fertile, riche de promesses).
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L'antevasin était un homme de l'entre-deux. Un habitant de la frontière. Il avait vue sur l'un et l'autre monde, mais son regard était tourné vers l'inconnu. Et il était érudit.
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-Imagine que l'univers est un grand moteur qui tourne. Tu préfères rester près du centre -dans le moyeu de la roue - et non pas sur les bords, là où ça tourne à toute berzingue, où tu risques de te faire déchiqueter et de devenir folle. Le moyeu de quiétude, c'est ton coeur. C'est là que Dieu vit en toi. Alors arrête de chercher des réponses dans le monde. Contente-toi de revenir dans ce centre, et tu trouveras toujours la paix.
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Wayan rigole et embrasse sa fille ; toute la tristesse relative à son divorce s'est soudain envolée de son visage. Je les observe, en songeant que les petites filles qui sont une raison de vivre pour leur mère deviennent, en grandissant, des femmes très fortes.
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Je ne cesse de me remémorer un des enseignements de mon guru à propos du bonheur. Elle dit que les gens, universellement, ont tendance à penser que le bonheur est un coup de chance, un état qui leur tombera peut être dessus sans criée gare, comme le beau temps. Mais le bonheur ne marche pas ainsi. Il est la conséquence d'un effort personnel. On se bat, on lutte pour le trouver, on le traque, et même parfois jusqu'au bout du monde.
[...]
"Voilà, c'est à ça que j'aimerais m'accrocher. S'il te plait, aide-moi à mémoriser ce sentiment de plénitude, et aide-moi à toujours l'entretenir." Je dépose ce bonheur à la banque, non pas tant sous la protection de la Compagnie fédérale des dépôts bancaires que sous la bonne garde de mes quatre esprits frères, pour l'y conservée à titre d'assurance contre de futures épreuves dans la vie.
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"Remède infaillible pour guérir les coeurs brisés" : "vitamine E, dormir davantage, boire beaucoup d'eau, partir en voyage loin de la personne qu'on a aimé, méditer et enseigner à son coeur que cela est le destin."
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Crois-tu qu'il existe un moyen pour les êtres humains de s'aimer sans complication ? Tu devrais voir comment ça se passe à Bali, chérie. Tous ces Occidentaux débarquent ici après avoir mis leur vie sens dessus dessous.[...]. Et l'amour c'est toujours compliqué. Mais il n'empêche que les êtres bhumains doivent essayer de s'aimer, chérie. Il faut avoir le coeur brisé, de temps en temps. C'est bon signe. Signe qu'on a essayé.
-J'ai eu me coeur tellement brisé la dernière fois que j'ai encore mal. C'est dingue, non ? Que ton coeur soit encore en miettes, presque deux ans après la fin de l'histoire d'amour ?
-Chérie, je suis un Brésilien du sud. Je peux passer dix ans avec le coeur brisé à cause d'une femme que je n'ai même pas embrassée.
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Comment la vie a-t-elle pu un jour me sembler difficile ? [...]
Je lui dis qu'elle doit juste lâcher du lest, qu'elle va apprendre que la perfection est déjà se ce monde, que l'univers y pourvoit, que tout est paix et harmonie ici-bas...
Je la devine les yeux au ciel quand elle me dit : "Voilà qui est parler comme une femme qui a déjà eu quatre orgasmes aujourd'hui."
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-Parfois, je regrette que tu ne sois pas une petite fille perdue, que je pourrais recueillir et à qui je pourrais dire : "Viens vivre avec moi maintenant, et laisse-moi m'occuper de toi pour toujours." Mais tu n'es pas une petite fille perdue. Tu es une femme qui a une carrière, de l'ambition. Tu devrais m'accrocher à cette liberté aussi longtemps que possible. Mais tout ce que je dis, c'est : si tu veux ce Brésilien, tu peux l'avoir. Il est déjà tien.
Je ne sais pas trop ce que je veux. Je sais toutefois qu'une part de moi a toujours voulu entendre un homme me dire : " Laisse-moi prendre soin de toi", et que jusque-là, aucun ne me l'avait jamais dit.
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-Tu aimes nouveau petit ami ?
-Oui, je crois.
-Alors tu dois le gâter. Et il doit te gâter.
-D'accord, ai-je promis.
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-Peut-etre pourrait-on essayée de se construire une vie commune qui serait partagée entre l'Amérique, l'Australie, le Brésil et Bali.
Tout ce que je peux faire, c'est rire, parce que - hé, pourquoi pas ? Ce serait juste assez fou pour marcher. Une vie comme ça peut sembler complètement dingue aux gens, de la pure bêtise, mais elle me ressemble tellement ! Évidemment que c'est comme ça que nous devrions procéder. Ça me semble déjà si familier. Et j'aime bien aussi la poésie de l'idée.
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